Le Billet de Veritis : les comptes fantastiques du Père Noël …

Publié le 21 Décembre 2010

Les comptes fantastiques du Père Noël …

 

Malgré la neige, la plupart des Français vont sacrifier au rite de l’achat de cadeaux qu’ils offriront à leurs proches à l’occasion de Noël ou pour le nouvel an. Tout cela est bon et sain pour l’économie, les magasins, leurs actionnaires, leurs employés, leurs fournisseurs, l’Etat (via la TVA), etc.

 

Mais il faut y regarder de plus prés.

 

A partir d’une telle démarche, Pierre-Antoine Delhommais s’est donc livré à un petit exercice de réflexion bien salutaire dans le journal Le Monde daté des 19 et 20 décembre 2010.

 

Je ne résiste donc pas au plaisir de vous livrer ci-après quelques extraits significatifs de cet article, somme toute assez décapant, dont nous essaierons de tirer quelques leçons. Les économistes cherchent souvent, en effet, à complexifier ce qui en définitive est assez simple. Rien de tel, donc, qu’une lecture permettant de remettre les choses en perspective.

 

« Trois heures de courses de Noël, dans les grands magasins parisiens permettent de comprendre bien mieux qu’une année de cours en fac d’éco, quelques uns des grands problèmes de l’économie mondiale. A commencer par le déséquilibre des comptes extérieurs. »

 

Quelques exemples pris au hasard : « La guirlande électrique pour décorer le sapin ? Made in China. La veste en laine polaire du neveu ? Made in China. Les baskets pour la nièce ? Made in China. L’iPhone ? Made in China. Même la canne à pêche, pourtant de marque américaine, auto-offerte, made in China. ».

 

Et on se dit alors que « c’est presque un miracle si finalement l’Europe n’enregistre avec la Chine qu’un déficit commercial de 200 milliards d’euros et les Etats-Unis de 350 milliards d’euros. ».

 

L’auteur de l’article poursuit alors : « Lors de notre marathon de courses, c’est un peu comme si nous avions assisté en direct à l’envol de nos euros vers les coffre forts déjà bien remplis, de la banque centrale de Chine (2 700 milliards d’euros) ».

 

Le meilleur, cependant, reste à venir : « Mais le vertige a commencé à nous saisir en comprenant que ces euros transférés en Chine allaient, pour partie, revenir en France. Ils y serviront à acheter des obligations assimilables du Trésor (OAT), c’est-à-dire à financer nos déficits, rémunérer nos infirmières et nos instituteurs et…payer nos cadeaux de Noël. ».

 

Tant il est vrai, pourrais-je ajouter, qu’en économie ou en finance comme en beaucoup d’autres choses « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ».

 

Tant il est vrai aussi rajoute P.A. Delhommais que « nous dépensons encore beaucoup, que nous dépensons trop, individuellement et collectivement, par rapport à ce que nous produisons, individuellement et collectivement, comme richesses. ». Difficile à entendre, il est vrai, pour les trois millions de chômeurs et pour les sept millions de Français vivant en dessous ou à la limite du seuil de pauvreté (c.a.d inférieur à 60 % du salaire médian, soit environ 60 % de 1500 € /mois, soit encore 900 €). Mais tellement vrai, devant la froide réalité des chiffres qu’il ne sert à rien de nier, ce qui permet alors à l’auteur de l’article d’écrire :

 

« Nous avions devant nous, un condensé de la crise financière et du fâcheux penchant des citoyens des pays industrialisés à vivre à crédit. ».

 

Tout cela est vrai. Tout le monde le sait. Tout le monde préfère l’oublier. Jusqu’à quand ?

Jusqu’à quel événement qui éclatera pour de bon pour déciller les yeux de ceux qui, par paresse ou par facilité, préfèrent voiler la réalité, pour continuer à répandre leurs promesses dans le seul but de se faire élire.

 

Mais à côté de la géographie économique, il existe également une histoire économique aussi riche de sens.  Et que nous dit cette histoire ?

 

« Que la société de consommation est apparue à la fin du XIX° siècle, quand les hommes commencent à utiliser leurs revenus à une autre fin que d’assurer leur propre survie. A consacrer l’argent durement gagné à autre chose qu’à l’achat de nourriture. »

 

« C’est ainsi qu’en 1900, une famille ouvrière parisienne débourse environ  70 % de ses revenus pour s’alimenter (15 % pour le logement, 10 % pour l’habillement et 5 % pour tout le reste). ».

 

« Cette proportion de dépenses alimentaires dans le budget n’a pas cessé, depuis, de fondre : encore proche de 40 % au lendemain de la deuxième guerre mondiale, elle tombe sous la barre des 20 % au début des années 1970, pour s’établir à moins de 13 % en 2009. ».

 

« La société de consommation, c’est d’abord une victoire sur l’estomac vide, un pied de nez à la faim. Même si elle corrompt l’âme, si elle nous ôte toute transcendance, on ne peut s’empêcher de voir en elle un immense progrès. ».

 

Que retenir alors de ce témoignage et de ces propos ?

 

1.      Depuis plus de vingt ans, nous assistons progressivement à un renversement du monde au profit de l’Orient et au détriment de l’Occident.

 

2.      Ce mouvement progressif s’est accéléré ces dernières années pour atteindre aujourd’hui une masse critique qui plaide en faveur d’un monde multipolaire fait de rivalités et de « solidarités » nouvelles.

 

3.      En valeurs absolues, l’Occident est encore prédominant à l’échelle du monde. En valeurs relatives, il ne l’est plus aujourd’hui

4.      Les rapports de force seront durablement transformés durant la décennie qui vient au profit des créanciers et au détriment des débiteurs.

 

5.      C’est la raison pour laquelle, un mouvement d’assainissement des finances publiques s’imposera à tous les gouvernements quels qu’ils soient, de « droite » ou « de gauche » dans tous les pays développés. A ce titre, la chasse à toutes les évasions fiscales finira progressivement par s’imposer.

 

6.      Les progrès techniques et écologiques et l’accroissement des échanges constitueront encore un formidable gisement de croissance qui profitera à l’ensemble des nations industrielles et aux pays « émergents » qui auront alors véritablement émergé vers la fin de la décennie.

 

7.      Les pays européens et les Etats-Unis ne pourront pas, toutefois, faire l’impasse pour équilibrer leurs comptes sur l’instauration d’une contribution sociale sur leurs importations (CSI) pour financer leur système de protection sociale et assurer un système de redistribution seul gage de paix sociale.

 

8.      L’évolution rapide des coûts et des niveaux de vie des pays émergents provoquera durant la décennie 2020-2030 un rééquilibrage progressif des conditions de compétitivité au point de recréer de l’emploi industriel en Europe et aux Etats-Unis.

 

9.      Il n’est pas fatal que « la société de consommation corrompe l’âme et ôte toute transcendance ». En effet, il y a fort à parier qu’une issue probable à cette société de consommation résidera bien au contraire dans l’émergence de valeurs spirituelles et sociales où l’importance des liens se conjuguera alors peut-être avec une « relative abondance des biens ».

 

 

Cette hypothèse n’est pas la seule. Car la folie des hommes peut aussi bien nous conduire ailleurs. Elle est, en tous cas, celle pour laquelle nous devrions conjuguer nos forces.

 

Nous sommes toujours en période de vœux. N’est-il pas ?

 

Alors, formons un vœu.

 

Veritis.

 

Rédigé par Veritis

Publié dans #Le Billet de Veritis

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