Divorces en Seine-Saint-Denis : ne soyez pas pressés !
Publié le 28 Août 2015
Mieux vaut être patient pour divorcer en Seine-Saint-Denis. Pour obtenir un premier rendez-vous chez le juge, lorsqu'il n'y a pas de consentement mutuel, il faut parfois attendre près d'un an. La juridiction de Bobigny croule sous la charge de travail, c'est bien connu, mais en matière de séparation, les délais sont inédits.
« C'est catastrophique, on n'a jamais vu ça ! », déplore Catherine Dominique-Droux, avocate depuis 25 ans. Ses confrères sont nombreux à dénoncer des délais à rallonge qu'ils n'arrivent plus à expliquer à leurs clients. « Ils pensent qu'on ne travaille pas et les tensions s'enveniment au sein du couple », ajoute une autre robe noire, qui, lorsque la situation le permet, invite l'un ou l'autre des conjoints en instance de rupture à se domicilier sur Paris afin de gagner du temps. Ce rendez-vous chez le juge, qui signe une ordonnance de non-conciliation, n'est que le début de la procédure. « Quand on se déchire et qu'il faut continuer à vivre ensemble pendant un an, ça peut être désastreux, indique un troisième avocat. Dans les milieux plus aisés, chacun peut prendre son appartement. Quand on n'a pas d'argent, le mari va dormir dans sa voiture, ça complique les choses. »
Priorité est donnée aux « ex » qui arrivent à se mettre d'accord. Ils sont reçus dans les deux mois en moyenne. Prioritaires également, les femmes victimes de violences conjugales. « On a vu des femmes invoquer des violences pour gagner du temps », déplorent plusieurs défenseurs de maris, pour qui l'ordonnance de protection serait utilisée comme un « coupe-file ». « Cela peut exister mais c'est totalement marginal », rassurait avant l'été leprésident du tribunal, Rémi Heitz. En cinq ans, il a vu diminuer le nombre de magistrats (un poste en moins depuis 2011) tandis que les demandes augmentent (+ 8 % en 2014). « Les affaires familiales restent une priorité, et si on avait plus de moyens, il est certain que l'on recréerait un dixième poste » assure Rémi Heitz. Avec près d'un millier de décisions rendues chaque année par juge, le tribunal de Bobigny détient aussi un record. Mais à quel prix ? « Quand on est JAF (NDLR : juge des affaires familiales) à Bobigny, on bosse comme des dingues. Les gens ne se bousculent pas pour y aller », résume Marion Lagaillarde, ancienne JAF à Bobigny et membre du Syndicat de la magistrature.
Alors, le tribunal mise sur la médiation familiale, y compris au sein de ses locaux, pour favoriser les consentements mutuels. « La rencontre avec le juge n'est pas le seul moyen de parvenir à résoudre un litige », insiste Catherine Mathieu, coordinatrice du pôle famille à Bobigny. Certains avocats en sont convaincus. A l'instar du Canada, ils se forment au « droit collaboratif ». « Avocats et clients se mettent ensemble autour de la table pour dégager des pistes de travail, et à la fin seulement, un accord pérenne », résument Josée Moineau et Sophie Belmas, deux avocates qui se sont lancées dans cette nouvelle forme de conseil. En visite à Bobigny au début de l'été, la garde des Sceaux Christiane Taubira a promis des renforts pour la rentrée. Peut-être que les séparations se solderont aussi vite qu'à Paris.
Source : Le Parisien