PSA Aulnay-sous-Bois : grandeur et déclin d’une usine trop parisienne
Publié le 20 Octobre 2013
Alors que tous les sites industriels quittaient la couronne parisienne, l'implantation d'Aulnay remplaçait Javel au plus mauvais moment avec la crise de 1973.
Louées pour leur modernité à leur démarrage en 1973, à la fin des Trente Glorieuses, les chaînes de montage de PSA Aulnay, d'où sont sorties des millions de voitures, dont la mythique DS, vont s'arrêter après 40 années de hauts et de bas. L'usine assemblera le 25 octobre son ultime C3, le 14e modèle produit à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) depuis sa naissance, avant de fermer définitivement en 2014. La dernière fermeture d'usine automobile en France remonte à 1992. Les chaînes de production Renault, à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), s'étaient arrêtées le 27 mars, après l'assemblage d'une dernière Supercinq blanche. Quelques jours plus tard, le site ouvert en 1929 fermait définitivement. Dotée de sa propre centrale électrique, de pistes d'essai et d'un port fluvial, Renault-Billancourt fut la plus grande usine automobile française, employant jusqu'à 35 000 personnes. Mille cent salariés y travaillaient encore à la fermeture du site.
Aujourd'hui, PSA Peugeot Citroën justifie sa restructuration et la fermeture d'Aulnay par la faiblesse de la demande de voitures et la concurrence internationale. Citroën s'est installé en Seine-Saint-Denis en 1973, après la délocalisation des usines du quai de Javel, dans l'ouest de Paris. Le nouveau site est réputé pour sa modernité, avec ses 168 hectares bordés des grands axes de transports, ses espaces verts et ses ateliers lumineux. C'est aussi l'"une des premières usines où les caisses de voiture pivotent pour que les ouvriers puissent travailler à hauteur d'homme", souligne Jean-Louis Loubet, professeur d'histoire contemporaine à l'université d'Évry-Val d'Essonne et auteur de La maison Peugeot.
La filière marocaine
PSA Aulnay naît sous les auspices du choc pétrolier de 1973 et la fin des Trente Glorieuses. "L'usine est voulue, imaginée, construite avant le choc pétrolier. Elle commence à produire des véhicules avec un choc économique qui entraîne un effondrement des ventes", note l'historien. La DS est la première voiture assemblée. Le site est pourtant dédié à la fabrication de petits modèles après le rachat de Citroën par son concurrent Peugeot en 1976. Les lignes de production sont gourmandes en main-d'oeuvre. Des émissaires de Citroën recrutent dans un premier temps des travailleurs à l'étranger, notamment au Maroc. À leur arrivée en France, ils logent dans des foyers de travailleurs ou les tours de la toute nouvelle cité des 3000.
Ricard, couscous et tapis de bonne grâce
Les nouveaux arrivants sont incités à adhérer au syndicat maison, la CSL (futur SIA, majoritaire). Il est alors mal vu d'appartenir à un syndicat "rouge" comme la CGT. Les immigrés ont également intérêt à s'attirer les faveurs de leur supérieur en lui offrant du couscous ou du Ricard, souligne Vincent Gay, auteur d'une thèse d'histoire sur les ouvriers immigrés dans les usines d'Aulnay et Poissy (Yvelines). Il fallait "rapporter un tapis du Maroc", confirme M. Loubet, qui évoque un "système basé sur le post-colonialisme". Alors que 67 % des salariés sont d'origine étrangère en 1978, selon Vincent Gay, l'"encadrement coercitif" est assuré par les contremaîtres, les interprètes et la CSL. Une révolte se déclenche en 1982, avec la première grande grève qui paralyse l'usine du 26 avril au 1er juin. Les ouvriers manifestent pour la "dignité" et la liberté syndicale. Cette période est marquée par des bagarres entre syndicalistes CSL et CGT.
L'apogée en 2000
Le premier plan social intervient deux ans plus tard, provoquant 800 licenciements. L'usine produit jusqu'à 400 000 véhicules par an au début des années 2000. De nouvelles grandes grèves éclatent en 2005 et 2007. Cette dernière dure six semaines, entre février et avril, en pleine campagne présidentielle. Puis le couperet tombe. La CGT révèle en 2011 une note confidentielle prévoyant la fermeture du site en 2014. La fin d'Aulnay est annoncée officiellement un an plus tard. Cette usine ne s'est jamais épanouie comme elle aurait pu l'espérer", remarque Jean-Louis Loubet, qui a "l'impression que la greffe n'a jamais vraiment pris".
Source article : http://www.lepoint.fr
Photo : Petit Louis, d'Aulnay-sous, dont vous pouvez retrouver l'article à ce sujet sur le toujours excellent et indispensable écume de mes jours en cliquant ici.