La mauvaise réputation du 93 à l’origine d’une pénurie de fonctionnaires dans les services publics de Seine-Saint-Denis ?

Publié le 3 Octobre 2014

93.jpgTitulaire d’un master, chômeur et habitant du «neuf-trois»? Vous pourriez bien recevoir un appel de Pôle emploi, à l’origine d’une campagne de démarchage téléphonique pour recruter des instits en Seine-Saint-Denis. Handicapé par sa mauvaise image, le département peine à recruter des fonctionnaires. L’initiative lancée pour la rentrée, inédite en France, est révélatrice d’un problème récurrent dans l’une des collectivités les plus pauvres. A deux pas de Paris, l’école comme les autres services publics ont le plus grand mal à attirer des enseignants, des policiers, des infirmiers ou des juges.

«Le déficit est structurel. C’est une situation ubuesque qui se reproduit d’année en année», se désole Rodrigo Arenas Munoz, président départemental de la FCPE, première fédération de parents d’élèves. «Le 93 n’attire pas les foules. C’est dommage», confirme Christian Riand, responsable CGT de l’hôpital Avicenne, à Bobigny. Problèmes de transports, de logement ou simplement mauvaise réputation: à la rentrée 2014, 95 postes de profs de maths y étaient vacants, faute de candidats, contre zéro dans le département voisin du Val-de-Marne, selon Mathieu Logothetis, du syndicat enseignant Snes-FSU.

«Le 93 fait peur à tout le monde», reconnaît Delphine, affectée depuis la rentrée dans un lycée d’Aulnay-sous-Bois. Cette prof d’économie de 24 ans, venue à contre-coeur, est «plutôt rassurée» après un mois de cours: «les craintes sont en partie basées sur des généralisations. Tous les établissements ne sont pas à la même enseigne». La disette touche également les policiers. «On a relativement peu de candidats et la plupart des gens affectés dans le département sont des jeunes policiers qui n’ont qu’un seul objectif, repartir», reconnaît Mohamed Douhane, du syndicat d’officiers Synergie. Un turn over qui complique le travail dans les commissariats.

- «Du mal à franchir le périphérique» -

Faute d’effectifs suffisants, l’organisation du tribunal de Bobigny, le deuxième de France, tourne elle aussi «au véritable casse-tête», déplore son président Rémi Heitz. «Quand un poste se libère, il y a très peu de candidats. Les magistrats ont du mal à franchir le périphérique», témoigne un ancien magistrat de Bobigny, qui évoque la charge de travail, «très importante», mais aussi le cadre de travail, dans un département souvent réduit à ses cités difficiles. «La conséquence, c’est que beaucoup de postes sont occupés par des jeunes qui sortent tout juste d’école», explique-t-il. «Ils se forment pendant deux ans et puis partent vers d’autres juridictions. Du coup, il n’y a pas de retour sur investissement.»

Comment inverser la tendance? Dans l’éducation, plusieurs initiatives ont été prises pour rendre plus attractive l’académie, où la pénurie de profs nuit à des enfants déjà défavorisés. Depuis 2010, une aide de 6.000 euros est versée, sous conditions, aux enseignants qui emménagent dans le département. Pour aider les nouveaux profs à trouver un toit, des partenariats avec des bailleurs privés et publics ont été signés notamment à La Courneuve et Saint-Denis, correspondant «à plus de 250 logements», précise Alain Justeau, directeur de cabinet adjoint du rectorat.

Côté police, des efforts ont été faits pour favoriser l’avancement des fonctionnaires qui acceptent de venir. Ou bien leur attribuer en priorité les primes de résultats exceptionnels. Au-delà des questions matérielles, beaucoup de fonctionnaires plaident aussi avec passion la cause de «leur» département, un «laboratoire» où de nombreuses expérimentations, pédagogiques, judiciaires ou sociales sont lancées.

Dans la police, «en cinq ans dans le 93, on en découvre autant qu’en 20 ans dans certains commissariats de province», souligne Mickaël Dequin, du syndicat SGP-FO, qui constate que le département est aujourd’hui «davantage demandé» en sortie d’école. Enseignante d’histoire-géo, Marie a opté pour un collège du département depuis la rentrée, après avoir travaillé dans un établissement aisé. La Seine-Saint-Denis, «je l’ai choisie un peu par militantisme. J’ai l’impression d’être utile», sourit la trentenaire. «Ici, le boulot de prof prend tout son sens.»

Source AFP via http://www.liberation.fr/

Rédigé par Aulnaylibre !

Publié dans #93 Infos

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