Beijinglibre !
Publié le 1 Avril 2010
Pékin est une ville moite et polluée. L'humidité de l'air se mêle à un brouillard diffus venant des mines de charbon qui alimentent largement la ville en énergie. Le soleil semble éprouver toutes les peines du monde à percer cet écran de fumée à l'aspect jaunâtre. Nous prenons le périphérique et après plusieurs kilomètres dans la ville je suis surpris de ne pas voir de vélos. Mes collègues m'expliquent que ce symbole de la Chine disparait progressivement de la capitale au profit des voitures, dont le nombre ne cesse d'augmenter de semaines en semaines...
Au bout d'une heure nous atteignons le centre-ville et un immeuble luxueux où ma société met à disposition de son personnel expatrié un certain nombre d'appartements. A peine garé au parking que cinq ou six chinois s'affairent autour du véhicule pour savoir s'il faut procéder au lavage. On m'explique qu'avec quelques renminbis on peut s'offrir un abonnement annuel pour laver sa voiture aussi souvent qu'on le souhaite. La Chine semble être le pays de tous les possibles...
Arrivé dans l'appartement d'un de mes collègues où je vais loger quelques jours, je suis invité à laisser mes chaussures à l'entrée. Son épouse chinoise, ancienne speakerine de la télévision chinoise à Singapour où ils se sont rencontrés, m'invite à boire un verre d'eau chaude, symbole de l'amitié. L'accueil est doux, presque sensuel. Je fais un tour sur le balcon. J'aperçois des personnes âgées marchant en arrière dans un parc. Cette pratique est censée retarder le vieillissement du corps et de l'esprit.
La densité de population est impressionnante et beaucoup font du commerce dans la rue. On assiste à une véritable ruée de la campagne vers les lieux citadins au point que les autorités chinoises tentent de refouler une partie des gens en quête des fruits de la croissance économique. Cette dernière est affolante et presque incontrôlée. La monnaie est sous-évaluée. Au carrefour local, qui ressemble fortement à celui de Paris Nord 2, tous les prix par rapport à l'euro sont divisés par 10 ou 11. Avec 4 euros on peut faire le tour de Pékin alors qu'à Paris on paye le double juste pour s'asseoir sur le siège en cuir.
Il plane dans l'air comme un parfum d'autorité, matérialisé par la présence de nombreux militaires. Ces derniers réprimandent d'ailleurs ostensiblement les chinois qui crachent par terre par habitude. Les trottoirs sont jonchés de crachats et des distributeurs de sacs plastique sont censés permettre aux chinois de cracher librement et proprement. Je n'y prête pas attention mais mes collègues me montrent des caméras presque invisibles, enfermées dans des boules de verre. Il y en a des milliers.
On m'explique qu'à tout moment un automobiliste peut être repéré pour un excès de vitesse ou s'il empiète sur un couloir de bus, de taxi ou une piste cyclable. Compte tenu du nombre d'habitants dans la capitale, les réprimandes ne se font pas par courrier, mais les chinois sont invités à consulter un site internet pour vérifier qu'ils n'ont pas commis de fautes de conduite éventuelles. Ce n'est pas une plaisanterie et les têtes en l'air peuvent après un certain temps être convoquées par les autorités pour suppression du permis de conduire.
C'est un monde étonnant qui inspire à la fois de la fascination et de la peur. Face au modèle de développement occidental, qui semble à bout de souffle, la vitalité chinoise parait offrir, à contrario, des opportunités et des possibilités illimitées. Mais à quel prix ? La Chine semble vouloir passer directement du communisme à la démocratie mais en sautant la case social-démocratie. C'est donc ici que je vais bientôt vivre puisque ma multinationale m'a proposé un contrat d'expatriation de deux ans dont les conditions sont telles qu'il m'est assez difficile de refuser.
Dans quelques semaines, Aulnay-sous-Bois me paraîtra un lointain souvenir et je me vois mal créer Beijinglibre !
Stéphane Fleury.