Aulnay, impression, soleil levant.
Publié le 1 Mars 2009
Samedi 28 Février 8Heures30, le ciel est brumeux et annonciateur d'une journée grise et maussade. Et puis soudain, le soleil, inattendu, perce. La journée sera belle finalement. Il est 10Heures, je prends mon sac à dos, mon plan d'Aulnay qui ne me quitte jamais, et des tracts, ceux rédigés avec mes voisins et que nous allons distribuer rue par rue, maison par maison , pour expliquer nos inquiétudes sur ce "projet" de logements sociaux de la rue des Saules.
J'arrive au numéro 1 de la rue Camille Desmoulins. Mes souvenirs de cours d'histoire se réveillent. Un révolutionnaire guillotiné. Mauvais présage ? Pourtant, la rue est calme. Je cherche sur chaque façade la boite aux lettres, elle n'est jamais au même endroit, jouant à cache-cache. Parfois, surgissant de nulle part, un chien me fait sursauter. Je réalise soudain que facteur ne doit pas être un métier très facile. J'arrive à la jonction avec la rue des Saules et je ne tarde pas à croiser les premiers riverains. Certains d'entre eux vivent ici depuis plus de 40 ans et m'expliquent que sous le bitume que je foule de mes pieds s'écoulait la rivière du Sausset. A l'époque cette zone était classée zone inondable, ce qui suscitait chez eux une sourde angoisse. Je leur explique ce qui se trame ou risque de se tramer. Ils sont au courant. Des bruits circulent. Je leur fais comprendre que cette fois-ci les choses se précisent, le "projet" se dessine, sans eux, sans qu'ils aient prise sur les événements. Dans leur zone pavillonnaire paisible, l'annonce d'un immeuble de logements sociaux de trois ou quatre étages, d'une trentaine d'appartements, suscite un profond mécontentement. On fait ensemble la projection mathématique de l'afflux de population que cela va engendrer dans le quartier. Combien de personnes ? 100, 150 ? Quel sera le visage du quartier après cela ? En tout cas, les riverains sont réceptifs, nous échangeons nos coordonnées. Je leur parle du blog. Nous resterons désormais en contact. Tout cela est très encourageant.
Je poursuis rue Marcel. Alors là je cale. Je ne sais pas qui est ce Marcel ? Je chercherai plus tard. Autre rue, autres riverains. Je leur remets le tract en mains propres, le dialogue s'installe spontanément, naturellement. Eux sont concernés en première ligne. La rue débouche en plein sur le terrain de la rue des Saules. Un immeuble juste en face de leurs pavillons. Déjà que les immeubles ne manquent pas lorsqu'ils regardent au nord, désormais ils en auront un autre au sud, en face de leurs fenêtres. Ils sont conscients des conséquences potentielles pour leur quartier et la valeur mobilière de leur maison. Leur inquiétude et leur mécontentement sont palpables. Ils me font remarquer l'état de la rue Marcel. La route est comme fissurée par endroits. Il y a des problèmes d'évacuation d'eau. Il y a des trous dans le bitume. Ils me montrent certains portails d'entrée de maison qui semblent s'être déplacé de leur axe, qui sont déformés et qui ne se ferment plus. Comme si le sol bougeait. D'ailleurs, plus loin, un autre riverain me dit que récemment de nouveaux propriétaires dans cette rue ont signé un papier étrange chez le notaire à propos de responsabilité en cas de glissement de terrain. Je note l'information sur mon carnet. A creuser pour plus tard. Je prends quelques photos. Je quitte les habitants du quartier après avoir pris leurs coordonnés.
Avant de rejoindre la rue René Noclin, dont j'ignore également tout, je me poste une dernière fois devant ce terrain de la rue des Saules. On note l'activité des derniers jours, un camion, une machine pour creuser la terre, une autre pour sonder, des souches énormes d'arbres sans doute abattus. Ce qui me frappe c'est le silence. Cet endroit est d'un calme incroyable. On entend même les oiseaux. Il reste encore de grands arbres sur ce terrain et en levant la tête je vois les pies qui préparent leur nid, sans savoir que c'est peut-être la dernière fois ici. J'aimerais que l'élu vert de la municipalité soit là à mes côtés. J'aimerais qu'il m'explique comment croire en l'écologie, comment croire que je peux contribuer à sauver la planète alors que je ne suis même pas décisionnaire du choix de mon cadre de vie à l'échelle de mon quartier...
Je remonte la rue René Noclin. Autre rencontre. Un riverain m'emmène au milieu de la route sur deux bouches d'égout. Il m'explique que la rivière du Sausset coule là sous nos pieds. Il est intarissable sur l'histoire du quartier . Je lui explique ce qu'il risque de se passer. Il me fixe incrédule. Il me dit que c'est une zone pavillonnaire ici et que ce n'est pas possible de construire d'immeuble. Il suffit pourtant de changer la classification de la zone. Rien de plus simple et l'immeuble sortira inéluctablement de terre. En plein axe visuel de son pavillon. Il ne manquait plus que ça, lui qui déplore déjà des vibrations dans sa maison au passage des bus.
Voilà il est presque 13Heures, je vais rentrer, satisfait d'avoir établi un contact direct avec les habitants de ce quartier qui est aussi le mien. Les choses sont assez claires. Il y a des manières tellement plus adéquates d'utiliser ce terrain de 4000m2. Construire une crèche, une bibliothèque, pourquoi pas même des pavillons en accession facilitée à la propriété. Sécuriser la zone en misant sur l'avenir de nos enfants.
L'idée d'un immeuble surplombant nos pavillons, narguant nos fenêtres et dénaturant notre cadre de vie nous est totalement intolérable. Les riverains sont unanimes. Notre cadre de vie paisible ne saurait être mis en péril sans notre consultation et notre consentement. Nous voulons et nous serons force de proposition.
Cet après-midi ce sont mes voisins qui prennent le relais pour la distribution côté rue du Sausset...
Rédigé par Stéphane Fleury le Dimanche 1er Mars 2009 à 1Heure23.