Seine-Saint-Denis : un dispositif pour protéger les femmes battues et leurs enfants

Publié le 19 Novembre 2013

femmes-battues-93.jpgDepuis un an, des retraités accompagnent des enfants au domicile de leur père afin d’éviter que les parents ne se rencontrent lors des droits de visite. Un bilan est présenté aujourd’hui.

En fin de semaine, Marie-Claude mettra son rehausseur à l’arrière de sa Citroën Berlingo pour aller chercher une fillette de 5 ans chez sa maman et la conduire chez son papa, à une demi-heure de route. Dimanche soir, elle fera le trajet inverse pour ramener l’enfant à sa mère. Le rituel a lieu tous les quinze jours, dans le cadre d’une « mesure d’accompagnement protégé », qui vise à permettre l’exercice du droit de visite du père dans un contexte de violence conjugale, sans qu’il entre en contact avec la mère.

Ce dispositif inspiré du modèle suédois est testé depuis un an en Seine-Saint-Denis, département innovant en matière de lutte contre les violences conjugales avec un observatoire départemental, toujours aussi pugnace depuis douze ans. Il sera au cœur des débats lors des 9es rencontres Femmes du monde en Seine-Saint-Denis. « Mieux protéger la mère, c’est aussi mieux protéger les enfants, cette mesure sécurise les femmes, les petits et elle permet aux pères de ne pas recommencer à agresser. Ça déstresse tout le monde en somme », résume Ernestine Ronai, présidente de cet observatoire départemental, à l’origine de cette mesure, mise en œuvre avec le tribunal de grande instance de Bobigny. Une étude menée en 2008 par l’observatoire a mis en lumière que la moitié des assassinats au sein du couple se produisaient en présence des enfants. Or, les espaces « neutres » de rencontre sont saturés. D’où l’idée de permettre ces accompagnements au domicile, par des tiers formés.

C’est un juge aux affaires familiales qui en décide. Sur seize mesures du genre, prononcées depuis octobre, sept l’ont été dans le cadre d’ordonnance de protection, et huit après un jugement de séparation ou de divorce. Le plus souvent, à la demande de la femme. Ce dispositif est géré par la Sauvegarde de l’Enfance 93 qui a recruté des volontaires parmi les retraités. « On a plus le profil de mamie pour les enfants et vis-à-vis des parents, ça évite des processus de connivence », estime Marie-Claude, ancienne éducatrice. Elle a pris sa retraite de la PJJ (protection judiciaire de la jeunesse) il y a deux ans mais a « gardé un intérêt pour les gamins qui ont des difficultés » et pour des dispositifs innovants.

Se faire accepter dans des familles en rupture n’est pas toujours facile. « Je me souviens que la petite au début pleurait le dimanche soir quand j’allais la rechercher pour la ramener chez sa mère. Pour elle, j’étais celle qui l’arrachait à son père. Et puis, au fur et à mesure, elle s’est calmée, elle a compris que ma présence assurait la permanence des week-ends avec son papa et que ça lui évitait les disputes, ça sécurise le petit et ça c’est gratifiant », estime Marie-Claude. « La dernière fois, elle a chanté tout le long, me disait quand le feu passait au vert et au milieu de tout ça m’a dit que son papa lui manquait beaucoup, avant de se remettre à chanter. »

Que répondre à un jeune enfant qui dit que son père a fait du mal à sa mère? « On ne dément pas mais on dit que maintenant, ça ne se passe plus », répond Marie-Claude soucieuse de l’après, lorsque l’accompagnement est terminé. Les accompagnants font des compte rendu à la Sauvegarde qui fait le relais avec la justice. Depuis octobre, 31 enfants de 2 à 16 ans, ont ainsi été protégés, pour une durée moyenne de cinq mois et demi. C’est encore très peu lorsqu’on sait qu’en France, trois millions d’enfants et d’adolescents vivraient aujourd’hui dans un foyer où le père violente la mère. Mais l’expérience départementale pourrait être étendue au reste de la France.

Source : Le Parisien

Rédigé par Aulnaylibre !

Publié dans #93 Infos

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