Journée de retrait de l’école : l’inquiétude des mamans d’Aulnay-sous-Bois
Publié le 31 Mars 2014
Devant l'école Savigny, nichée entre deux tours HLM, à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), de jeunes mamans, hijab ajusté sur la tête, discutent en attendant la sortie des classes. Elles n'ont pas participé, lundi 31 mars, à la journée de retrait de l'école (JRE), initiée par la militante Farida Belghoul pour protester contre le prétendu enseignement de la « théorie du genre » en maternelle et en primaire.
Pourtant, par le passé, elles y ont toutes déjà pris part, au moins une fois. « C'était à cause des SMS », explique Fatiah, 32 ans. Ces SMS, elle en recevait des dizaines chaque jour, moins aujourd'hui. Leurs auteurs, elle ne les connaît pas tous. « Il y a des copines, mais aussi des numéros inconnus. »
Malgré les multiples informations qu'ils contiennent, parfois contradictoires, ils ont un point commun : sonner l'alerte. Alerte à l'éducation sexuelle des enfants dès la maternelle, alerte à l'initiation à la masturbation par les professeurs, alerte à l'intervention de travestis et transsexuels dans les classes…
« MON TÉLÉPHONE SONNAIT CINQUANTE FOIS PAR JOUR »
Au départ, la vague d'inquiétude a été forte, irraisonnée. Quelques mamans se sont empressées de retirer leurs enfants de l'école, ont appelé au secours les établissements privés du quartier, demandé d'y inscrire leurs petits dès la prochaine rentrée.
« Mon téléphone sonnait cinquante fois par jour », se souvient Hassen Farsadou, directeur de l'association Espérance musulmane de la jeunesse française. Depuis 2008, il cherche à réunir des fonds pour la construction d'un établissement privé musulman à Aulnay-sous-Bois. « Je n'ai pas reçu de dons pour le moment, mais c'est clair, la polémique sur la théorie du genre a joué en ma faveur », s'exclame-t-il.
D'autres mamans ont frappé aux portes des salles des professeurs, réclamant des explications. « Souvent, ils sont restés silencieux », regrette Myriam, 32 ans, visage adolescent marqué par quelques rides d'anxiété. « Parfois, ils n'étaient même pas au courant », ajoute son amie, même allure juvénile.
Il aura fallu du temps aux enseignants pour prendre connaissance des rumeurs, les démentir, parler d'une seule voix. Non, la théorie du genre n'existe pas. Non, les garçons ne vont pas être contraints de porter des jupes, et les filles, des pantalons. Mais oui à la lutte contre l'homophobie, contre les stéréotypes filles-garçons, pour la parité des filières professionnelles. En clair, il s'agit d'expliquer aux parents ce que sont les ABCD de l'égalité — dispositif expérimenté par l'éducation nationale dans 600 classes de 10 académies volontaires, et probablement généralisé à la rentrée prochaine.
QUELQUES REMOUS
« J'aimerais bien que mon fils fasse le même métier que moi, on n'est qu'entre femmes, c'est dommage », estime Sounia, 34 ans, assistante maternelle. « Moi aussi, si ma fille veut devenir astronaute, c'est bien », ajoute une mère au foyer, qui exerce « le plus beau métier du monde malgré tout ».
Si elles ne participent pas à la prochaine JRE, elles restent néanmoins vigilantes.« Tant que ces ABCD ne sont pas mis en pratique, cela reste effectivement une théorie, prévient Sarah. Je serai attentive à leur application, il ne faut pas non plus bousculer la tête des enfants ».
En attendant, la vague d'inquiétude, qui devait, selon les prédictions de M'hammed Henniche, secrétaire général de l'Union des associations musulmanes du 93 (UAM 93), emporter sur son passage les écoles publiques, au profit du privé, n'aura fait que quelques remous. Et puis, « elle est derrière nous », confie, souriante, une maman.
Source : Le Monde