Aulnay-sous-Bois : l’amer bilan d’un flic parachuté dans les cités des quartiers Mitry-Ambourget et du Gros Saule
Publié le 8 Janvier 2013
C’est un monsieur distingué de 59 ans, qui verse désormais dans le bénévolat, comme écrivain public. Il y a quelques années, en mars 2009, tout juste retraité de la police judiciaire, Raphaël Pochet (photo ci-contre) débarquait à Aulnay-sous-Bois, en tant que « délégué à la cohésion police-population ». Le dispositif avait été mis sur pied par la ministre de l’Intérieur (UMP), Michèle Alliot-Marie, en 2008, pour rapprocher la police des habitants. L’expérience fut brève. Raphaël Pochet devait jeter l’éponge un an plus tard, avec le sentiment de « n’avoir servi à rien du tout ».
C’est ce qu’il raconte aujourd’hui, dans « Un flic parachuté au cœur des cités », livre sévère à l’égard des pouvoirs publics et de la police nationale. « On se heurtait à un mur d’indifférence », résume-t-il. Raphaël Pochet avait été affecté aux quartiers Mitry-Ambourget (dit des Mille-mille) et du Gros-Saule. Dans son livre, il raconte son arrivée dans des cités qu’il imaginait hostiles… où on l’accueille avec bienveillance : « J’ai découvert des gens qui avaient les mêmes aspirations que moi : vivre tranquillement, élever leurs enfants et qui se trouvaient dans une détresse absolue. »
Il dénonce un « divorce » entre la police et les jeunes
Il évoque les confidences d’habitants, dénonçant le trafic et les occupations de halls, recueillies « dans des loges de gardiens claquemurées car ils avaient peur d’être vus avec moi ». Raphaël Pochet loue l’implication d’une poignée d’animateurs, intervenants sociaux, bénévoles. Mais le véritable obstacle, selon lui, c’est le « mur administratif » qu’opposent la police et l’Etat aux attentes des habitants. Il dénonce même un « divorce » entre la police nationale et les jeunes, l’absence des pouvoirs publics, mais aussi l’inefficacité de la « cellule de veille » mise en place par le maire PS Gérard Ségura. S’il a modifié les noms dans son ouvrage, on reconnaît sans peine les personnalités locales, dont le commissaire de district de l’époque, Alain Perez.
« Il considérait que les délégués police-population étaient des emmerdeurs (sic) », explique Raphaël Pochet, parlant de lui et d’un autre délégué affecté à la cité de la Rose-des-Vents. Alain Perez, aujourd’hui retraité, réagit avec véhémence : « Comment peut-il se permettre de porter un tel jugement? C’est comme si vous aviez sur le terrain 260 imbéciles et que le Messie arrivait pour expliquer comment renouer avec la population et régler les problèmes de criminalité! » Alain Perez reste toutefois dubitatif sur ce « principe de parachuter des gens dans les quartiers au lieu d’y mettre des policiers de terrain ». L’expérience s’est achevée en mars 2010. Certains reprochaient à Raphaël Pochet son « manque de loyauté » à l’égard de la corporation. Lui dénonçait « une véritable fracture ». Encore aujourd’hui, les points de vue semblent irréconciliables.
« Un flic parachuté au cœur des cités », Raphaël Pochet, Ed. la Boîte à Pandore, 192 pages, 14,90 €.
Source : Le Parisien